Les plaidoiries commencent au procès pour agression sexuelle de Nygard à Toronto
L'ancien magnat canadien de la mode Peter Nygard a utilisé sa richesse, ses actifs et son statut pendant plusieurs années pour attirer des jeunes femmes et des filles dans une chambre luxueuse située au dernier étage du siège social de son entreprise à Toronto, ont affirmé mardi les avocats de la Couronne.
Attention: le texte suivant contient des descriptions détaillées d'agressions sexuelles.
Nygard aurait invité les cinq plaignantes dans l'affaire - dont les identités sont protégées par un interdit de publication - à se rendre à son immeuble de bureaux construit sur mesure pour différentes raisons, allant de simples visites à des entretiens d'embauche. Toutes les rencontres se seraient terminées dans la fameuse chambre, ont allégué les procureurs.
Dans cette pièce, l'homme les aurait agressées sexuellement à différents moments, allant même jusqu'à les détenir ou les intoxiquer, a fait valoir la Couronne dans sa déclaration d'ouverture.
«1, rue Niagara. Un immeuble conçu sur mesure avec d'énormes lettres sur la façade: Nygard. Le siège torontois d'un empire de la mode», a illustré la procureure adjointe de la Couronne, Ana Serban.
«Mais à l'intérieur de ces murs, cachée derrière cette apparence de succès et de pouvoir, il y a une suite avec un grand lit, un jacuzzi en pierre, un bar et des portes - des portes sans poignée, des portes avec des serrures numériques contrôlées par Peter Nygard.»
Peter Nygard a plaidé non coupable aux cinq chefs d'accusation d'agression sexuelle et à un chef de séquestration en lien avec des incidents qui se seraient produits dans les années 1980, 1990 et au milieu des années 2000.
L'homme de 82 ans a comparu devant le tribunal vêtu d'un costume sans cravate, de lunettes fumées et de longs cheveux blancs attachés. Il s'est assis tranquillement, regardant souvent le jury pendant que la Couronne prononçait sa déclaration initiale.
«Elle est terrifiée»
La première plaignante, a indiqué la Couronne, racontera qu'elle a rencontré Peter Nygard sur un vol à destination des Bahamas alors qu'elle était dans la vingtaine.
L'homme l'aurait caressée, lui aurait proposé un emploi et lui aurait offert un séjour dans sa propriété des Caraïbes, ce qu'elle a refusé. Après l'avoir reconnu à la télévision plus tard, la femme l'a appelé et a été invitée à se rendre au 1, rue Niagara pour un entretien d'embauche, a appris le tribunal.
«L'histoire se termine dans la suite au dernier étage. Elle se sent mal à l'aise, elle essaie de partir, mais il la plaque sur le lit, y met tout son corps, la coince sur le dos et essaie de la déshabiller, déchire ses vêtement»', a relaté Me Serban.
«Elle est terrifiée.»
Nygard aurait ensuite pénétré la plaignante avec ses doigts et déchiré son chemisier avec ses dents, ne s'arrêtant que lorsque son prochain rendez-vous a été annoncé sur l'interphone, a poursuivi la procureure.
«Il lui donne un chemisier et une jupe pour remplacer les vêtements qu'il a déchirés. Elle sort en courant de la chambre et du bâtiment. C'était censé être un entretien d'embauche», a-t-elle rappelé.
«Elle na va nulle part»
La deuxième femme, qui était à l'époque une aspirante créatrice de mode, témoignera qu'elle a rencontré Peter Nygard au Québec dans une boîte de nuit. Elle lui aurait donné son numéro de téléphone, étant bien au fait de son influence dans l'industrie de la mode.
Il l'aurait ensuite emmenée par avion à Toronto pour un dîner et lui aurait fait visiter ses bureaux. Encore une fois, la visite se termine dans la chambre du dernier étage.
«Il se jette sur elle, la coince sur le lit et lui enlève ses vêtements jusqu'à la taille. Il la réprimande pour ne pas avoir coopéré», a affirmé Me Serban.
La femme racontera que Nygard l'a ensuite plaquée sur le dos, a mis un préservatif et a enfoncé son pénis dans son vagin. Une fois qu'il a éjaculé, elle a essayé de partir et a dû le supplier d'ouvrir les portes, a soutenu la procureure.
Une troisième femme, qui était actrice à l'époque, témoignera avoir rencontré Nygard à l'aéroport alors qu'elle était aussi dans la vingtaine. Nygard l'aurait approchée et aurait insisté pour la ramener chez elle, en s'arrêtant au 1, rue Niagara pour une visite.
Me Serban a allégué que Nygard avait ensuite emmené la jeune femme dîner puis à un concert des Rolling Stones. Il l'aurait ramenée au 1, rue Niagara plus tard et l'aurait conduite jusqu'à la chambre, dont les portes se fermaient à clé, a indiqué la Couronne.
«Il la réprimande parce qu'elle n'accepte pas ses avances, lui crie dessus parce qu'elle lui fait perdre son temps. Elle lui dit qu'elle veut partir. Il lui dit qu'elle ne va nulle part», a-t-elle affirmé.
Nygard aurait forcé la plaignante à avoir des relations sexuelles avec lui et aurait lancé un billet de 100 $ alors qu'elle partait, qu'elle n'a pas pris.
«Elle gâche la fête»
Une quatrième femme, une mannequin d'une vingtaine d'années, témoignera qu'elle a rencontré Peter Nygard en avion. Elle aurait accepté les offres du magnat de la mode pour divers emplois d'hôtesse, dont un lors d'une fête au 1, rue Niagara.
Un groupe de participants à la fête s'est ensuite rendu dans la suite et a commencé à avoir des relations sexuelles en groupe, a déclaré la Couronne. Mal à l'aise, la plaignante se serait plutôt préparé un verre. Elle se serait toutefois réveillée plus tard dans le lit, où Nygard tentait de la pénétrer et où «d'autres personnes étaient rassemblées autour pour regarder», selon la procureure.
Elle crie et se débat, mais Nygard lui dit qu'elle gâche la fête.
La plaignante aurait finalement réussi à sortir en courant lorsque la porte s'est ouverte pour laisser entrer deux invités.
La cinquième femme racontera que lorsqu'elle avait 16 ans, l'homme qu'elle fréquentait l'a invitée au 1, rue Niagara pour une fête. À son arrivée, seuls Nygard et une autre femme étaient là, selon la Couronne, et la plaignante a eu droit à une visite guidée qui s'est terminée dans la suite.
Nygard lui aurait montré des photos de son jet privé, leur aurait préparé des verres et lui aurait proposé des opportunités de mannequinat.
Après avoir bu un verre, l'adolescente aurait commencé à se sentir `lourde' et `désorientée', a indiqué la Couronne. C'est à ce moment, selon Me Serban, que Nygard aurait commencé à parler de son vagin, enlevé sa jupe et ses sous-vêtements et s'est imposé à elle.
Peter Nygard a fondé la marque Nygard International à Winnipeg en 1967.
Il a démissionné à titre de président de l'entreprise de vêtements en février 2020 avant que celle-ci ne déclare faillite.
Le procès devrait durer environ sept semaines.