Fraude amoureuse : Comment faire pour mettre fin à l'exploitation des victimes ?

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Que feriez-vous si votre mère, votre grand-mère ou votre soeur donnait tout son argent à un fraudeur quitte à se retrouver sans le sou ? Marilyne, une dame de 75 ans de Saint-Hyacinthe en Montérégie a transféré près de 550 000$ à un homme qui se disait amoureux d'elle. Pourtant, ils ne se sont jamais rencontrés. 

Écoutez l'entrevue réalisée par le journaliste Étienne Phénix avec Marilyne tombée sous le charme du fraudeur :

Gilles, le fils de la septuagénaire s'est rendu compte que quelque chose clochait lorsqu'il a constaté que des retraits bancaires importants étaient effectués dans le compte de sa mère. «Je lui ai demandé ce qui se passait. Elle m'a répondu qu'elle voulait aider une amie en voyage à l'étranger». C'était le début d'une série de mensonges. 

Inquiets de voir les retraits s'accumuler, des membres de la famille de Marilyne ont fait appel à son médecin pour évaluer son état de santé physique et mental. Il a refusé d'intervenir. lls ont ensuite mandaté un avocat pour déposer une requête devant la Cour du Québec afin d'obtenir une évaluation psychiatrique. Cette évaluation aurait permis d'obtenir une procuration pour gérer les avoirs de la dame.

La cause a été entendue en mars 2021 devant la Chambre civile et des faillites. Le juge a rejeté la requête estimant, selon les demandeurs, que la dame a sans doute été victime d'une fraude amoureuse, mais qu'il n'y avait pas urgence d'agir, car elle était encore capable de gérer son patrimoine. La décision est tombée au terme d'une audience qui aura duré moins d'une heure.

Gilles peine à s’expliquer la situation dans laquelle se trouve sa mère. « Si ce n’est pas un problème de santé mentale, je ne sais pas c’est quoi», dit-il.

La famille s'est ensuite tournée vers les banques pour les convaincre de geler les fonds, ce qu'ils ont refusé de faire, car elle n'avait pas de procuration. Une des institutions bancaires a même fermé le compte de sa cliente en voyant les retraits s'accumuler. 

La Sûreté du Québec a rencontré Marilyne à plusieurs reprises à la suite d'une plainte déposée par ses proches. Des policiers l'ont conscientisé aux fraudes par internet et ils ont fait le ménage de son téléphone portable et de sa tablette électronique. Malgré ces interventions policières, la septuagénaire continue d'envoyer des sommes au fraudeur qui selon une source policière est présentement en Côte d'Ivoire. 

Intervention gouvernementale possible ? 

Le Curateur public peut intervenir à la suite d'un signalement d'abus financier, mais il faut que la personne soit déclarée inapte.  

«La loi visant à mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité ne comporte pas de disposition qui permettrait d'aider une personne dans cette situation» précise la responsable des communications du Curateur public. Elle nous réfère à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. 

«C'est triste, mais ce n'est pas unique comme situation» a déclaré Germain Royer, agent d'éducation et de coopération à la Commission. La CDPDJ peut intervenir lorsqu'une personne est en situation de vulnérabilité. Toutefois, elle ne peut empêcher une personne de disposer de ses biens de la façon dont elle souhaite.  «Le cadre juridique nous permet même pas d'agir à l'étranger, on n'a pas rien. L'exploitation c'est quelque chose de très particulier, mais légalement, on ne pourrait pas intervenir dans un cas comme ça, c'est vraiment de nature policière. C'est eux qui auraient les moyens et les ressources pour intervenir» précise M. Royer. 

Des intervenants sociaux ont aussi été appelés à intervenir auprès de Marilyne, sans résultat jusqu'à maintenant. Elle-même n'arrive pas à expliquer son comportement qui l'a ruiné et qui pourrait faire en sorte de se retrouver ultimement au crochet de l'État. 

Comment prévenir les fraudes ?

Une lumière rouge doit s'allumer dès que la personne qui vous contacte souhaite rapidement passer à un mode de communication privée. C'est ce qui est arrivé à Marilyne qui a aussi commis l'erreur de s'identifier comme une dame célibataire sur Facebook, faisant d'elle une proie facile pour les arnaqueurs. 

Fuyez aussi si votre interlocuteur joue la carte de la détresse ou s'il vous demande de ne pas parler de lui à vos parents et amis. Et surtout, évitez de verser de l'argent à une personne que vous n'avez jamais rencontrée. Tendance notée, les fraudeurs invitent leurs victimes à investir dans la cryptomonnaie. 

La FADOQ offre des cours à ses membres pour éviter les fraudes, que ce soit l'arnaque amoureuse, l'hameçonnage ou encore la méthode du petit-fils. 

Écoutez l'entrevue réalisée avec Danis Prud'homme, directeur général du Réseau de la FADOQ

POUR SIGNALER UNE FRAUDE 

Centre antifraude du Canada : 1-888-495-8501

Ligne Aide Abus Aînés : 1-888-489-2287

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse : 1 800 361-6477

*Marilyne est un nom fictif utilisé pour protéger la dame.