Hausses déraisonnables et bris de contrats pour des maisons neuves
La fièvre du marché immobilier semble avoir frappé plusieurs entrepreneurs de la construction depuis le début de pandémie. Les hausses de contrats déraisonnables se poursuivent cette année et peuvent avoir des conséquences désastreuses pour les futurs acheteurs.
L'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC) a enregistré 200 plaintes liées à des contrats d'habitations neuves en 2021 pour des raisons autres qu'un problème technique. La plupart du temps, c'était pour dénoncer des hausses de prix ou des promoteurs qui résiliaient unilatéralement leur entente. L'appétit de certains entrepreneurs sans scrupule va bien au-delà de la hausse des prix des matériaux selon le directeur général de l'ACQC, Marc-André Harnois.
« Le seul lien que nous on est capable de voir c'est bien plus la hausse du marché immobilier. L'entrepreneur sait que s'il revendait à quelqu'un d'autre la maison sur le marché il pourrait avoir 100 000$ de plus. Alors il dit: si tu ne paies pas 100 000$ je déchire le contrat et je vais le revendre à quelqu'un d'autre. »
Malgré une diminution du nombre de plaintes depuis le début de l'année, une minorité d'entrepreneurs ont adopté ce modèle d'affaires qualifié de « révoltant » par l'ACQC. Une vingtaine de cas sont examinés sur un total de 300 plaintes depuis le 1er janvier. Ça peut paraître peu, mais il ne faut pas perdre de vue que « certains de ces cas concernent de gros promoteurs où la situation dénoncée est souvent subie par des dizaines d'autres clients, parfois plus d'une centaine » nuance M. Harnois. Il cite en exemple un projet de 100 maisons dans les Laurentides où le constructeur a « exigé une hausse de 100 000 $ à 4 jours de la prise de possession ».
« D'après moi, ça va perdurer aussi longtemps qu'on va avoir un marché de vendeur. Aussi longtemps que l'entrepreneur a intérêt à vendre la maison plus cher à quelqu'un d'autre, pourquoi s'en priver? » - Marc-Handré Harnois, directeur général de l'ACQC
L'acheteur qui a dénoncé cette pratique s'est retrouvé à la rue ajoute M. Harnois.
ENCORE PLUS GOURMAND EN 2022?
L'organisme SOS plan de garantie résidentielle qui accompagne des consommateurs dans leurs réclamations voit plutôt un phénomène en croissance depuis le début de la pandémie. Sa directrice, Gina Baroni, affirme recevoir une quarantaine d'appels par mois depuis décembre de la part d'acheteurs voulant défendre leurs droits. Les dépassements de coûts varient de 10 000$ à 75 000$ cette année, alors qu'ils dépassaient rarement les 20 000$ en 2021. Les petits et moyens entrepreneurs ont souvent peine à présenter les pièces justificatives pour justifier ces dépassements de coûts.
Option consommateur a enregistré 48 plaintes liées aux services de construction, l'entretien et la rénovation d'habitations entre le 1er janvier et le 31 mars dernier. C'est un bond de 46% par rapport à la même période en 2021 alors qu'on comptait 26 plaintes.
PEU DE PLAINTES À LA RÉGIE
La Régie du bâtiment du Québec (RBQ) invite les consommateurs lésés à dénoncer les entrepreneurs fautifs. Elle n'a reçu qu'une quinzaine de plaintes à cet effet depuis le début de la pandémie. Elle a le pouvoir de suspendre ou de retirer la licence d'un entrepreneur qui bafoue les règles de l'industrie. Il lui faut cependant plus qu'une plainte liée à une hausse de coûts pour agir.
« Les gens passent souvent beaucoup plus de temps à choisir les couleurs des murs et de la céramique que pour trouver l'entrepreneur à qui ils vont confier des travaux qui atteignent parfois plusieurs centaines de milliers de dollars. » - Sylvain Lamothe, porte-parole de la Régie du bâtiment du Québec
Marc-Handré Harnois de l'ACQC accuse la Régie du bâtiment et la ministre de l'Habitation du Québec, Andrée Laforest, de rester les bras croisés devant le phénomène livrant les futurs acheteurs à eux-mêmes. Il met en garde les consommateurs qui acceptent, malgré tout, les hausses déraisonnables d'entrepreneurs en croyant retrouver leur argent au moment de la vente.
« Admettons que la guerre se poursuive, poussant l'inflation à la hausse, puis qu'on hausse les taux d'intérêt pour y remédier, puis qu'une crise économique s'installe... Est-ce que vraiment le prix des habitations va demeurer aussi avantageux pour ceux qui vont avoir acheté à gros prix et qui pourraient se retrouver forcés de revendre? On peut se permettre d'en douter. »
Aucun changement légilslatif n'est prévu à court terme pour donner plus de mordant à la Régie du bâtiement du Québec pour contrer cette situation.