Gouvernance scolaire: une mauvaise journée pour Bernard Drainville?


Jacques Boissinot / La Presse Canadienne

«Nous allons résister à la résistance au changement», a lancé jeudi le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, avec la bénédiction du premier ministre François Legault.

Ensemble, ils ont défendu l'idée de pouvoir dégommer les directeurs généraux des centres de services scolaires qui prennent des décisions qui déplaisent au gouvernement.

«On veut rendre le réseau de l'éducation plus efficace, a déclaré M. Legault. Quand les résultats ne sont pas là, il faut avoir le pouvoir de changer les personnes qui prennent les décisions localement.»

Cette proposition est incluse dans le projet de loi 23 qui fait l'objet, depuis jeudi matin, de consultations particulières. La pièce législative est présentée comme la suite de la réforme de la gouvernance scolaire de Jean-François Roberge.

Une réforme de structure que personne n'a demandée, qui ne ramènera pas de profs dans les classes et n'améliorera en rien la réussite des élèves, selon les partis d'opposition à l'Assemblée nationale.

«Ce n'est pas d'une deuxième réforme en éducation qu'on a besoin. Il faut arrêter l'hémorragie. On perd des enseignants légalement qualifiés à chaque année», a souligné en point de presse la députée libérale Marwah Rizqy.

«Ça ne va pas donner plus de services aux élèves dans nos écoles, ça ne va pas ramener plus de profs, plus de professionnels, ça va juste rendre le ministre tout-puissant», a renchéri Ruba Ghazal, de Québec solidaire.

 

Avec le projet de loi Drainville actuel, on est plus ou moins dans les bons sujets, là. Pourquoi il faut centraliser?' a demandé pour sa part le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.

Outre les partis d'opposition, plusieurs groupes sont venus critiquer le projet de loi 23 à l'Assemblée nationale, jeudi.

«Il y a beaucoup de résistance au changement. Toutes les fois que tu veux toucher à quelque chose, il y a toujours des lobbys qui se lèvent pour dire: "Pas moi, faut surtout pas changer"», a déploré M. Drainville en mêlée de presse.

«C'est sûr que gros changements égale grosses résistances, mais il ne faut pas se laisser arrêter. Il faut absolument aller de l'avant avec ces changements», a-t-il ajouté.

À VOIR | Extrait du point de presse de Marwah Rizqy au bulletin Noovo Le Fil 17

 

Craintes dans le réseau

Si le projet de loi 23 est adopté, le ministre de l'Éducation obtiendra le plein pouvoir de nommer les directeurs généraux des centres de services scolaires, de casser leurs décisions ou de les limoger.

Le ministre pourra annuler une décision d'un centre de services et «prendre celle qui, à son avis, aurait dû être prise en premier lieu», peut-on lire dans le projet de loi.

«Nous sommes en désaccord, écrit le Regroupement des comités de parents autonomes du Québec dans son mémoire. La perception d'une diminution du pouvoir d'influence des parents pourrait décourager l'engagement.»

«Les gens sur le terrain connaissent leur travail», a également fait valoir Nicolas Prévost, de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement.

À VOIR | Ce que pourrait changer la refonte en éducation de Drainville

 

Nouvel institut et tableau de bord

Le projet de loi 23 crée un Institut national d'excellence en éducation, qui aura pour mandat de guider le réseau scolaire vers des pratiques pédagogiques appuyées par des données probantes.

Le psychologue et spécialiste de la réussite scolaire Égide Royer applaudit cette proposition, tout comme celle d'améliorer la collecte de données dans le réseau et de créer un «tableau de bord» en éducation.

À son avis, cela permettrait de mieux agir, par exemple, sur l'écart de réussite entre les filles et les garçons. M. Royer rejette toutefois l'idée de transformer le Conseil supérieur de l'éducation afin qu'il se concentre uniquement sur l'enseignement supérieur.

En 2016, le Conseil supérieur de l'éducation a déclaré dans un rapport que l'école québécoise est la plus inégalitaire du Canada. Or, le ministre Drainville réitère depuis son arrivée en poste qu'il «n'adhère pas» à cette notion d'école à trois vitesses.

«Le Conseil supérieur de l'éducation doit être maintenu dans sa forme actuelle», affirme Égide Royer.

La Confédération des syndicats nationaux a déjà enjoint le ministre d'abandonner sa réforme pour se concentrer sur les problèmes dans les classes.

Les consultations sur le projet de loi 23 se poursuivent vendredi. Au total, quatre journées d'auditions sont prévues.