Le comité de discipline de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) impose un total de 150 000 $ en amendes à une courtière immobilière de Montréal, Brigitte Le Pailleur, et suspend son permis de courtage pour une période de 180 jours pour «des infractions graves de conflit d'intérêts.»
Dans une décision rendue le 30 octobre dernier et divulguée lundi, il est précisé que Mme Le Pailleur – âgée de 71 ans et comptant 38 d'expérience dans le domaine du courtage immobilier – a été reconnue coupable en mars 2023 de s'être placée en situation de conflit d'intérêts à trois reprises au cours de l'année 2018 concernant un immeuble situé à Montréal. «Elle était en charge de la mise en vente dudit immeuble suivant la conclusion du contrat de courtage», a écrit l'OACIQ dans un communiqué.
Mme Le Pailleur aurait fait l'achat d'une propriété que les vendeurs lui avaient confiée, et ce, avant même la mise en marché de l'immeuble, tout en conservant son contrat de courtage avec ses clients – deux pratiques interdites par la Loi sur le courtage immobilier et ses règlements. Dans le processus, elle aurait réalisé un bénéfice indû de 500 000 $.
Mme Le Pailleur dirigeait sa propre agence aux moments des faits. Selon la décision sur la sanction, la courtière n'a pas inscrit l'immeuble aux services de diffusion d'information prévus dans le contrat dans les délais prescrits. En fait, l'immeuble aurait dû y être inscrit «sans délai» en octobre 2018.
Toujours en octobre 2018, Mme Le Pailleur a également été reconnue coupable «d'avoir négocié les modalités et les conditions de l'achat de l'immeuble directement avec le vendeur alors qu'elle voulait se porter acquéreuse de l'immeuble via sa société par actions».
Le troisième conflit d'intérêts se lit comme suit: «Le ou vers le 1er novembre 2018, n'a pas conseillé ou informé objectivement le vendeur relativement à la possibilité qu’il se fasse représenter par un courtier immobilier de son choix et à la renonciation à son droit d’avoir recours à un service de diffusion d’information.»
«En résumé, alors que l’intimée exerçait ses activités de courtage immobilier, elle a immédiatement flairé une bonne affaire ainsi que la vulnérabilité de ses clients.»
À chacune des étapes, la courtière a commis une infraction à l’article 2 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.
Le syndicat de l'OACIQ fait valoir que «la courtière fautive a réalisé un bénéfice de plus de 500 000 $ sur le dos de personnes vulnérables qui ont subi un préjudice financier important». Cette information a été contredite par l'avocat de Mme Le Pailleur, Me Marc Gaucher, qui a affirmé lors des auditions pour la décision sur la sanction que «si un préjudice existe, il est de 15 000$ puisque l’intimée a versé 885 000 $ aux vendeurs alors que la propriété en valait 900 000$».
«Autrement dit, le procureur est d’avis que l’avantage de 545 000 $ n’a pas été tiré de la commission de l’infraction», dit Me Gaucher.
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La courtière immobilière Le Pailleur aurait profité de la «vulnérabilité» de ses clients
Dans sa décision, le comité de discipline de l'OACIQ soulève plusieurs facteurs aggravants afin de justifier les amendes totalisant 150 000$ et la suspension du permis de courtage de Mme Le Pailleur pour une durée de 180 jours.
Parmi les facteurs aggravants, il y a «la vulnérabilité des clients qui croyaient faire affaire avec un professionnel de l’immobilier en qui ils pouvaient avoir confiance».
Il y aussi le fait que Mme Le Pailleur était en conflit d’intérêts du début de sa relation avec les vendeurs jusqu’à la fin de la transaction. Elle savait exactement ce qu’elle entendait faire et c’est pour ces motifs qu’elle n'aurait pas conseillé valablement les vendeurs. «Elle [n’était] pas de bonne foi dans sa relation de courtier envers les [clients], au motif qu’elle [voulait] acheter l’immeuble dès le début, puisqu’elle [savait] qu’elle [allait] conclure une transaction excessivement profitable», peut-on lire dans la décision de l'OACIQ.
Elle aurait négocié «malhonnêtement la baisse du prix de vente déjà accepté par les vendeurs sous de faux prétextes» et ne les aurait «surtout pas» informés «qu’il serait très profitable de vendre par étages» cet immeuble.
Mme Le Pailleur n'a pas reconnu de faute
Selon le comité de discipline de l'OACIQ, Mme Le Pailleur ne reconnaît aucunement ces fautes dans cette affaire.
«La personne qui est devant le Comité lors de l’audition sur sanction est la même personne qui a commis les infractions en matière de conflit d’intérêts il y a près de cinq ans», note le comité. «L’intimée ne fait aucun effort pour se réhabiliter et elle n’a aucune empathie envers les [clients]. En fait, elle se croit toujours impeccable», peut-on lire dans le compte rendu de la décision sur sanction.
Brigitte Le Pailleur dispose de 30 jours pour en appeler de la décision du comité de discipline de l’OACIQ.
Par ailleurs, l'OACIQ est satisfait de la décision rendue dans le dossier de Brigitte Le Pailleur, «car elle incarne réellement notre volonté de bien protéger le public, en plus d’envoyer un message dissuasif aux courtiers immobiliers qui ignorent l’interdiction de se placer en situation de conflit d’intérêts pourtant maintes fois répétée et sanctionnée par les tribunaux».
«Il en va de la confiance du public envers la profession de courtier immobilier», a affirmé Me Caroline Champagne, vice-présidente Encadrement, de l’OACIQ, dans un communiqué acheminé aux médias.
Par courriel, l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) a tenu à souligner que certains incidents isolés n'étaient «pas représentatifs du professionnalisme caractérisant la vaste majorité des plus de 14 000 courtiers immobiliers exerçant au Québec».