L'auteur Vincent Brault avec son dernier roman «Les ombres familières». (Noovo Info)

L’auteur Vincent Brault s’y connaît en fantômes. Pour l’écriture de son dernier livre, Les ombres familières, il a recueilli plus de 300 «vraies» histoires paranormales à travers le Québec. Avant ça, il en avait collecté une quarantaine au Japon. Discussion avec l’expert des revenants. 

 

 

Q. Est-ce qu’il y a des différences entre les histoires de fantômes des différents pays? 

V.B:Une des différences fondamentales, j'ai l'impression, c'est que la plupart des histoires de fantômes au Québec, ce sont des histoires de revenants. À mon avis, c'est parce que notre culture au Québec, c'est le christianisme. C'est une histoire de revenant, c'est la résurrection du Christ. Ce n'est pas étonnant que nous, les Québécois, on voit apparaître des revenants parce que c'est vraiment à l'intérieur même de notre culture.

Tandis qu'au Japon, il y a très peu d'histoires de revenants. Traditionnellement ce sont des bouddhistes, des shintoïstes. Ils font la crémation des cadavres. Et donc, si le corps n'existe plus, il y a comme une impossibilité, en tout cas psychologique, de voir apparaître son grand-père physiquement. Les esprits reviennent surtout dans certains animaux, dans des objets du quotidien comme des parapluies, des théières, des lanternes. 

Les seuls cadavres qui reviennent au Japon, ce sont des cadavres laissés sans sépulture, dont on n'a pas pu faire les rites. 

La culture populaire influence-t-elle certaines histoires de fantômes? 

La culture, évidemment, ce n'est pas monolithique, c'est plein d'éléments. J'ai eu dans les histoires que j'ai recueillies, des références au cinéma, entre autres au film Poltergeist, avec la télévision qui griche. Il n'y a rien de fantomatique dans une télévision qui griche, mais comme c'est associé à un film d'horreur, j’en ai recueilli. Ce que je n'ai pas vu au Japon.

Les fantômes des histoires récoltées sont-ils gentils?

C'est surtout des histoires de fantômes plutôt consolatrices. Typiquement, peut-être pendant la COVID-19, notre grand-mère est décédée à l'hôpital, on n'a pas pu aller la visiter. Et là, c'est le retour de la grand-mère pour nous donner la possibilité de lui dire un dernier au revoir.

Les histoires sur le terrain, ce ne sont pas les histoires qu'on obtient ou auxquelles on pense naturellement comme des histoires atroces, des histoires violentes et des méchants fantômes. Nos morts, quand ils reviennent, ils ne reviennent pas pour se venger. Les histoires de fantômes, ce sont des histoires qui permettent de parler de nos deuils sans qu'il n'y paraisse. Il n'y a pas beaucoup d'espace dans notre société pour parler du deuil. 

J'ai l'impression que les histoires de fantômes permettent de dire des choses qui autrement sont un peu indicibles ou qui ne sont pas bien reçues dans notre société. Je ne veux pas dire que les histoires de fantômes sont bien reçues. Ça correspond aussi à un tabou, mais ça correspond au tabou du deuil. 

Pourquoi vous intéressez-vous aux fantômes?

C'est des histoires intimes et donc je pense que ça, ça m'intéresse. Peut-être aussi le drame, parce que c'est par là parfois, qu'on se rapproche des gens. Je pense aussi que ce n'est pas étranger du fait que ma mère, moi, elle est morte quand j'avais 19 ans. Et cette question-là du deuil, elle n'est pas adressée au Québec et il n'y a pas d'espace pour parler du deuil, je pense. La question des fantômes me permettait de me donner un espace pour parler du deuil et à la fois pour donner un espace de rencontres spécifique avec des gens.

Avez-vous vécu des histoires de fantômes?

Bien moi je ne dirais pas que je crois aux fantômes. Moi, je suis. J'ai recueilli les histoires de fantômes, mais j'ai essayé de ne pas les juger, c'est-à-dire qu'on a vu ce qu'on a vu. Puis je ne sais pas s'il y avait vraiment un fantôme à l'extérieur de la personne, mais la personne, elle, elle a vu un fantôme.Ça, c'est un fait. 

Quand j'étais au Japon et que je recueillais les histoires qu'on me racontait, j'ai pris conscience du fait, par une sorte d'introspection, que oui, il m'était arrivé des choses un peu particulières. Je pense que c'était assez commun. 


Certaines réponses ont été éditées à des fins de clarté et de concision.